Algérie
GRINDAT Henriette] AMROUCHE Jean :
Published by Guilde du Livre, Lausanne 15.6.1956., 1956
Cartonnage souple, jaquette photo. Photographies de Henriette Grindat. Dans cet album qui fait une large concession au genre de livre de voyage dans le goût de l'époque, notre photographe réussit à insérer des images d'une belle force poétiques. En compagnie des légendes ou citations qui les prolongent, l'ensemble ne nous laisse pas le sentiment de quelque chose de tout à fait abouti. Le Nil, par exemple, nous semble plus réussi et audacieux, que ce soit au niveau de la maquette ou des prises de vue.Il n'en résulte pas moins un livre plaisant, agréablement mis et scène et émaillé de petites perles de l'anthologiste préfacier, un homme de lettres méditerranéen, même si persiste cette fichue impression qu'on a passé d'un rien à côté du sommet.Ndr : Une fois pour toute ne pas confondre Grindat et Gindrat, même si toutes les lettres y sont, bien que ce soit plutôt flatteur pour moi au fond. Édition originale. L'un des 10'030 exemplaires numérotés.
Grindat Henriette, born July 3, 1923 Biel and died February 25, 1986, is a Swiss photographer.
Reaching young polio, she makes her gymnasium from 1941 to 1944 in Lausanne and graduated photographer (Lausanne and Vevey, 1945-1948) in Gertrude Fehr.
In 1948, Henriette Grindat up her personal photography workshop in Lausanne and published her work in several Swiss newspapers and magazines.
Henriette Grindat moved to Paris in 1949, she worked for various newspapers and various publishing houses (Bordas, Arthaud, Threshold).
Striving to perpetuate the magic of Lautréamont, Henriette Grindat exhibited in the French capital where her works appealing, among others, André Breton, Man Ray, René Char and Albert Camus.
The latter two offer her publish a book trio.
Completed in 1952, the offspring of the sun did not appear until 1965, five years after the death of Camus.
Photographing Rolleiflex, Henriette Grindat also developed a more personal work close to the Surrealists and humanist photography.
Henriette Grindat exhibited in Italy (Florence, Milan), United States (Chicago) and several times in Switzerland, especially Lausanne.
She won the Prix federal Applied Arts in 1952, 1953 and 1954.
A few days after the death of her companion, the writer Albert Yersin, Henriette Grindat committed suicide on 25 February 1986.
Her works are the subject of major retrospectives at the Kunsthaus Zurich (1984) and the Museum
of Elysée in Lausanne (1995).
See for more Africa in the photobook
Jean Amrouche et Henriette Grindat, Algérie, 1956
Algérie paraît en 1956 à la Guilde du Livre. Préface et texte sont signés Jean Amrouche, mais d’autres auteurs sont présents par le biais de citations, parmi lesquels André Gide ou Eugène Fromentin, ainsi que deux extraits du Coran. Au départ, Albert Mermoud avait pensé faire appel à Albert Camus1, que connaît bien Henriette Grindat, mais l’écrivain décline par crainte de contrarier son éditeur, Gallimard. Albert Mermoud se tourne donc vers un autre Français d’Algérie, Jean Amrouche, qui accepte, bien que son métier de journaliste soit en cette période très absorbant.
Le texte qu’il rédige rend hommage à un pays dont le destin est alors incertain, deux ans après le début de la guerre. Il est en lien constant avec les photographies d’Henriette Grindat : les mots reflètent ce que les images montrent et parfois les complètent. Tout comme Méditerranée ou Le Nil, Algérie « regroupe un mélange de types d’images : paysages, portraits, scènes de rues, détails, cherchant à montrer un territoire, son histoire et ses habitants de manière descriptive et suggestive »2. C’est là que le texte intervient. Des citations ici et là viennent accentuer tel ou tel élément évoqué par l’image.
Le principal protagoniste du livre est la mer Méditerranée. Pour le compte de la Guilde, Henriette Grindat effectue deux grands voyages dans la région, en Algérie en 1952 et sur les rives du Nil de novembre 1958 à janvier 1959, auxquels s’ajoutent de nombreux autres déplacements tout autour du bassin méditerranéen3. L’eau s’y révèle un motif spécialement riche pour la photographe. Par les reflets du soleil, par les ondulations du vent, la mer et le fleuve s’avèrent de passionnants sujets d’expérimentations artistiques. La Méditerranée devient alors l’un des sujets de prédilection d’Henriette Grindat.
L’album et la guerre
Son ouvrage remporte un vif succès. Parmi les personnalités qui écrivent à l’éditeur pour le féliciter, Jean Daniel, journaliste à L’Express, loue les photographies admirables « d’un pays où je suis né et qui vit aujourd’hui le drame de l’éclatement »4. D’autres voient cependant dans le volume une œuvre de propagande antifrançaise. A cela, Albert Mermoud répond qu’« Algérie n’est ni un guide touristique ni un livre de propagande »5, mais un ouvrage rendant hommage à la beauté d’un pays et de ses habitants. Le livre n’en contient pas moins une dédicace à des victimes de la puissance coloniale, dédicace qui provoque l’inquiétude de Pierre Seghers, chargé de la version commerciale du livre à l’enseigne Clairefontaine, et qui, sur conseil de son avocat, amène Albert Mermoud à la supprimer dans ces exemplaires de librairie en collant sur elle une nouvelle dédicace6.
Deux ans après la publication d’Algérie paraît un second album dédié à la région, Sahara, avec un texte de Charles-Henri Favrod et des photographies d’Yvan Dalain, (fig. 1). Cet ouvrage illustre les diverses transformations engendrées par l’occupation française. Espace hostile, le Sahara héberge malgré tout plusieurs peuples nomades. Anciennement « maîtres du désert »7, ils deviennent alors la main d’œuvre des grandes compagnies pétrolières. Au fil des pages sont présentés les principaux bouleversements causés par leur « reconversion professionnelle ». Texte et photographies exposent, dans une première partie, leur quotidien d’antan, puis leur nouvelle vie. Cette confrontation entre passé et présent permet au lecteur de constater les effets de l’industrialisation. Ainsi, les véhicules remplacent les chameaux au fur et à mesure que les nomades fiers et libres se font happer par les entreprises d’exploitation de l’or noir (fig. 2). Au premier abord, cet ouvrage ne semble pas prendre clairement position en faveur ou en défaveur de la colonisation. Néanmoins, certains indices se glissent au fil des phrases. On parle d’« esclaves » pour évoquer les ouvriers8, et certaines pages paraissent souligner le caractère absurde des situations (fig. 3). Ainsi, sans être explicitement engagé politiquement, Sahara, tout comme Algérie, dresse un constat non dénué d’amertume ou de critique, même dans la célébration de la beauté des lieux.
Sahara, photo Yvan Dalain, texte Charles-Henri Favrod, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, n. p.
Fig. 1, Sahara, n. p.
Sahara, photo Yvan Dalain, texte Charles-Henri Favrod, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, p. 48-49.
Fig. 2, Sahara, p. 48-49.
Sahara, photo Yvan Dalain, texte Charles-Henri Favrod, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, p. 76-77.
Fig. 3, Sahara, p. 76-77.
Culture/Nature
La plupart des albums de la Guilde du Livre ont pour caractéristique de confronter plusieurs images sur la double page. C’est le cas d’Algérie. Ici (fig. 4), le paysage méditerranéen est présenté par un même motif à gauche et à droite, avec de part et d’autre la mer, la roche, le ciel. Si les deux photographies se répondent, elles se différencient aussi, avec d’un côté la nature encore sauvage, de l’autre l’indication de la présence humaine. Henriette Grindat s’intéresse beaucoup à la thématique du temps qui passe. Dans ses livres pour la Guilde, des clichés révélant l’effervescence du présent se trouvent souvent placés face à d’autres témoignant d’un passé plus ancien, mais encore ancré dans la réalité quotidienne. Il est possible d’y entrevoir une certaine nostalgie, celle de la terre encore inexploitée et d’un temps où la mer turquoise n’était pas encore envahie par de grands paquebots industriels. Mais ces deux criques, à la fois semblables et dissemblables, dévoilent deux réalités bien vivantes d’un même pays.
Femmes
S’il est rare qu’Henriette Grindat prenne de véritables portraits, elle ne néglige pas pour autant la présence humaine, fût-elle évoquée par de vagues silhouettes. L’objet principal des albums de la Guilde du Livre est en effet de présenter un pays en en décrivant les paysages, l’architecture, la vie quotidienne, mais aussi les habitants. Henriette Grindat en ponctue son livre. En Algérie, elle paraît captivée par les femmes. C’est l’une d’elles qui orne la couverture, et à l’intérieur, une double page notamment figure un groupe de femmes affairées à leurs courses (fig. 5). Si les scènes de marché sont souvent présentes dans les livres de voyages, ici, ces Algériennes restent mystérieuses et comme inaccessibles. Elles semblent se cacher triplement : par leur voile, par le treillis qui nous sépare d’elles et par leur position de dos. Elles n’en sont pas moins mises en valeur par leur habit blanc ressortant sur l’arrière-plan sombre. Vêtues de façon semblable, elles perdent de leur singularité pour ne former qu’un aplat blanc. L’image invite le lecteur à s’interroger sur le rôle de la femme en Algérie, particulièrement en ce temps de guerre. S’étalant sur deux pages, cette grande photographie rend hommage à celles qui, dans l’ombre, continuent à vivre dans un climat tendu.
— Deborah Strebel
Algérie, photo Henriette Grindat, texte Jean Amrouche, Lausanne, La Guilde du Livre, 1956, p. 54-55. Fig. 4, Algérie, p. 54-55.
Algérie, photo Henriette Grindat, texte Jean Amrouche, Lausanne, La Guilde du Livre, 1956, p. 74-75. Fig. 5, Algérie, p. 74-75.
Notes
1. Albert Camus a fait la connaissance d’Henriette Grindat en 1950 chez le poète René Char, à L’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse. Il a par la suite participé, aux côtés de la photographe, à l’élaboration de l’ouvrage La Postérité du soleil, paru en 1965 chez l’éditeur genevois Edwin Engelberts. Il s’agit d’un livre illustré d’une série de trente photographies de Grindat.
2. Sylvie Henguely, « “…un objectif en flagrant délit de poésie” : Henriette Grindat, photographe des années 1950 », in Henriette Grindat : Méditerranées, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009, p. 7.
3. Ibid., p. 9, note 36.
4. Lettre de Jean Daniel à Albert Mermoud, 26 octobre 1956, dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
5. Lettre d’Albert Mermoud à M. Ertaud, 3 septembre 1956, dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
6. Voir correspondance de Pierre Seghers et Albert Mermoud, 23 et 29 août 1956, et lettre d’Albert Mermoud à Jean Amrouche, 15 octobre 1956, dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits. Sur la question, voir également Charles-Henri Favrod, « Les albums photographiques de la Guilde du Livre », in Henriette Grindat : Méditerranées, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009, p. 14.
7. Charles-Henri Favrod, Sahara, photo Yvan Dalain, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, p. 25.
8. Ibid., p. 35.
Bibliographie
Archives
Dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
Sources
AMROUCHE, Jean et GRINDAT, Henriette, Algérie, Lausanne, La Guilde du Livre, (impression Héliographia, Lausanne, reliure Mayer & Soutter, Lausanne), 1956.
Littérature secondaire
DESACHY, Eric, MANDERY, Guy et DESACHY, Anatole, La Guilde du livre : les albums photographiques, 1941-1977, Paris, Les Yeux Ouverts, 2012.
Henriette Grindat : Méditerranées, textes de Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, Zurich, Limmat Verlag, 2008.
Henriette Grindat : Méditerranées, textes de Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009.
Henriette Grindat, photographe, cat. expo., Lausanne, Bibliothèque cantonale et universitaire, 1972.
Henriette Grindat : rêve et découverte, cat. expo. Musée de l'Elysée, Lausanne/ Schweizerische Stiftung für die Photographie, Zurich, Berne, Benteli Verlag, 1995.
MERMOUD, Albert, La Guilde du livre, une histoire d’amour, entretiens avec Jacques-Michel Pittier et René Zahnd, Genève, Slatkine, 1987.
PFRUNDER, Peter (dir.), Schweizer Fotobücher 1927 bis heute : eine andere Geschichte der Fotografie / Livres de photographie suisse de 1927 à nos jours : Une autre histoire de la photographie, Winterthur, Fotostiftung Schweiz/Baden, Lars Müller Publishers, 2011.
Archives RTS
Madame TV, émission télévisée, mars 1966, journaliste Yette Perrin, réalisation Christian Mottier. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Portraits d’artistes, émission radiophonique, octobre 1983, interview d’Henriette Grindat par Alphonse Layaz. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Les albums d’Henriette Grindat à la Guilde du Livre
Dans le cadre d’une exposition sur le livre de photographie à Lausanne, il est légitime d’offrir une place particulière à Henriette Grindat : figure emblématique de l’édition photographique suisse d’après-guerre, elle a participé à la réalisation de dix-huit ouvrages, dont quatre aux Editions Rencontre (☞ Les Editions Rencontre) et quatre à la Guilde du Livre, à savoir Lausanne (1952), Algérie (1956), Méditerranée (1957) et Le Nil (1960). Aux côtés d’Izis et Ylla, elle fait partie des rares photographes ayant collaboré à plus de trois reprises avec la Guilde. De plus, son nom apparaît en général sur la couverture des livres, parfois même avant celui de l’écrivain, valorisant ainsi son travail et soulignant son statut d’auteur à l’égal des producteurs des textes.
Entre surréalisme et voyage
Née à Bienne en 1923, Henriette Grindat s’établit ensuite à Lausanne. Atteinte de poliomyélite, elle est orientée par ses parents vers un métier estimé peu physique : ils pensent à la photographie et inscrivent leur fille dans une école spécialisée, imaginant que par la suite, elle ouvrira un magasin. Henriette Grindat entreprend sa formation en 1943 à Lausanne sous la direction de Gertrude Fehr et la termine en 1946 à Vevey. Fehr exerce une grande influence sur la jeune photographe. Avant d’ouvrir l’école privée qui formera, entre autres, Bruno Barbey, Jean-Loup Sieff ou Luc Chessex (☞ Luc Chessex), elle s’est installée à Paris en 1933. Elle y a côtoyé des photographes proches du surréalisme comme Man Ray, et pratique tout comme eux le photogramme, le photomontage, la surimpression, techniques que Grindat va elle aussi expérimenter à ses débuts.
En 1948, Grindat part à son tour s’installer à Paris. Elle y fait la connaissance d’André Breton, Michel Butor ou encore Alain Resnais. Elle se passionnera dès lors non seulement pour les arts, mais aussi pour la littérature et la poésie, et cela sa vie durant. L’événement majeur de sa période parisienne est une exposition à la galerie La Hune en janvier 1949. Elle y présente des œuvres qui ne sont pas sans rappeler le surréalisme. Bien accueillie par la critique, l’exposition marque le véritable début de sa carrière. Six mois plus tard, le magazine lucernois Camerapublie un portfolio composé uniquement de ses photographies.
A partir des années cinquante, la galerie et le livre vont devenir les terrains de prédilection de Grindat. La presse commence à s’intéresser à la jeune photographe en publiant divers comptes rendus de ses expositions et des ouvrages pour lesquels elle fournit des photographies. Au fil des ans, Grindat s’empare elle aussi de la plume pour rédiger des reportages sur les milieux artistiques romands ou des chroniques de voyages. Car Henriette Grindat va partir à la découverte de nombreux pays. En 1952, elle obtient une bourse fédérale et commence alors à voyager. D’abord en Algérie, en compagnie de Lélo Fiaux, puis à Venise, en Espagne ; en 1957, elle découvre le Proche-Orient ; en 1958, elle part en Afrique, remonte le Nil, passe par le Kenya, l’Ethiopie et la Somalie. Ces multiples excursions sont pour elle autant de nouvelles sources d’inspiration : l’aspect documentaire de ses clichés s’efface peu à peu pour laisser apparaître un certain lyrisme. Les personnages se font rares, parfois seulement signalés par une ombre ou une vague silhouette au loin. Celle que d’aucuns surnommeront « la rêveuse de matière »1 explore les matériaux et les reflets. Elle cherche à faire ressortir les différentes textures, autrement dit la tangibilité de ses sujets, tout autant que les atmosphères mystérieuses.
La collaboration avec la Guilde
Durant cette époque faste des beaux-livres illustrés, richement imprimés en héliogravure (☞ Imprimeries lausannoises), Henriette Grindat se spécialise dans le reportage de voyage : elle ne photographie plus, en studio, des objets hétéroclites issus de brocantes, mis en scène dans des clairs-obscurs mystérieux, mais se tourne vers l’extérieur, poursuivant son travail poétique en plein air, dans la contemplation de la nature. Elle commence à travailler pour la Guilde du Livre en 1952, pour l’ouvrage Lausanne (☞ Lausanne), avant deux autres collaborations avec l’éditeur, suivies de l’album Adriatique (1959) aux Editions Mermod. Cette collaboration avec Françoise Mermod résulte sans doute des différends nés entre la photographe et Albert Mermoud, patron de la Guilde. Pour Méditerranée (☞ Méditerranée), celui-ci a en effet estimé les clichés de Grindat insuffisants et fait appel à d’autres photographes pour les compléter. Henriette Grindat n’a pas apprécié. Elle s’est également plainte d’honoraires jugés insignifiants en regard du coût onéreux de son voyage2. Malgré cette querelle, une quatrième collaboration verra le jour en 1960 pour Le Nil (☞ Le Nil).
C’est qu’Albert Mermoud apprécie le travail d’Henriette Grindat et sait lui faire confiance. Dans tous les projets qu’elle réalise avec lui, la production des photographies précède celle des textes, ce qui laisse Grindat libre de photographier les sujets qui lui plaisent, à l’exception de Lausanne où là, la municipalité impose certains thèmes, tels que la Fête du bois ou le Comptoir. Le choix final des photographies reste néanmoins la prérogative de l’éditeur, ce qui n’est pas le cas pour ses propres expositions, où elle privilégie les clichés les plus subjectifs3.
A la fin des années cinquante, Grindat se concentre de plus en plus sur le photojournalisme. Si elle publie régulièrement dans la presse, elle travaille également pour l’Atlas des Voyages des Editions Rencontre (☞ L’Atlas des Voyages). Elle y participe à l’élaboration de quatre ouvrages : Andalousie (1962), Egypte (1964), Autriche (1966 – ici, le texte de Philippe Jaccottet est déjà écrit quand elle réalise son reportage) et Tchécoslovaquie (1968). Photographe rêveuse et vagabonde, Henriette Grindat a ainsi fourni à de nombreux livres illustrés lausannois des images à la dimension souvent intemporelle et énigmatique, et toujours poétique.
— Deborah Strebel
Notes
1. Christophe Flubacher, « Henriette Grindat ou la postérité du soleil », L’Hebdo, n° 50, 14 décembre 1995, p. 85. Voir aussi Charles-Henri Favrod, « Les albums photographiques de la Guilde du Livre », in Henriette Grindat : Méditerranées, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009, p. 14, qui fait référence à l’ouvrage A la rêveuse matière qu’elle réalise avec Francis Ponge et Albert Yersin en 1963.
2. Sur ce différend, voir Charles-Henri Favrod, op. cit., p. 14, et Sylvie Henguely, « Méditerranée », in Peter Pfrunder (dir.), Schweizer Fotobücher 1927 bis heute : eine andere Geschichte der Fotografie / Livres de photographie suisse de 1927 à nos jours : Une autre histoire de la photographie, Winterthur, Fotostiftung Schweiz/Baden, Lars Müller Publishers, 2011, p. 602.
3. Voir Sylvie Henguely, « “…un objectif en flagrant délit de poésie” : Henriette Grindat, photographe des années 1950 », in Henriette Grindat : Méditerranées, op. cit., p. 7.
Bibliographie
Archives
Dossiers « Lausanne » (IS 4359, carton F 178), « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), « Méditerranée », 1957 (IS 4359, carton 26 F 289), « Le Nil » (IS 4359, carton 30 F 356), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
Archives RTS
Madame TV, émission télévisée, mars 1966, journaliste Yette Perrin, réalisation Christian Mottier. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Portraits d’artistes, émission radiophonique, octobre 1983, interview d’Henriette Grindat par Alphonse Layaz. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Sources (livres)
Lausanne, photos d’Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1952.
Métal pour musique, photos d’Henriette Grindat, Rolle, Editions du Verbe, 1952.
Dictionnaire pittoresque de la France, photos d’Henriette Grindat, Paris, Editions Arthaud, 1955.
Le Livre des arbres, photo Henriette Grindat, Paris, Arts et Métiers graphiques, 1956.
AMROUCHE, Jean, Algérie, photo Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1956.
CRANAKI, Mimica, Méditerranée, photo Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1957.
CHESSEX, Jacques, Adriatique, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Françoise Mermod, 1959.
FAVROD, Charles-Henri, Le Nil, photo Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1960.
LE RICOLAIS, Robert, Matière, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Chabloz, 1960.
VIO, Martin, Flâneries autour de Lausanne, photo Henriette Grindat, Neuchâtel, Editions du Griffon, 1960.
CLAVIEN, Germain, Andalousie, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1962.
PONGE, Francis, A la rêveuse matière, photo Henriette Grindat, gravures d’Albert Yersin, Lausanne, Editions du Verseau, 1963.
MORINEAU, Raymond, Egypte, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1964.
CAMUS, Albert et CHAR, René, La Postérité du Soleil, photo Henriette Grindat, Genève, Edwin Engelberts, 1965.
DESCARGUES, Pierre, Rembrandt et Saskia à Amsterdam, photo Henriette Grindat, Lausanne, Payot, 1965.
JACCOTTET, Philippe, Autriche, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1966.
BAUCHAU, Henry, La Dogana, photo Henriette Grindat, Albeuve, Editions Paul Castella, 1967.
GRANDMONT, Dominique, Tchécoslovaquie, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1968.
BORNE, Alain, Le Facteur Cheval, photo Henriette Grindat, Paris, Morel, 1969.
CHAPPUIS, Pierre, Ligne mouvante, photo Henriette Grindat, Lutry, Editions d’Orzens, 1983.
Sources (articles)
Z'GRAGGEN, Yvette, « Connaissons mieux les artistes romandes : Henriette Grindat », Journal de Genève, 15 mai 1957, p. 8.
KUENZI, André, « Quand une photographe chasse le Nilotique », Gazette de Lausanne, 23 mai 1959, p. 9.
MAD., C., « Henriette Gindat, photographe, revient des sources du Nil », Feuille d’Avis de Lausanne, 23 mai 1959, p. 21.
RICHOZ, Claude, « L’instantané et le durable », Coopération, n°37, 12 septembre 1959.
CHAR, René, « La Postérité du Soleil », Gazette de Lausanne, 4 décembre 1965, p. 19.
CHEVALLAZ, Madeline, « D’abord Grindat, ensuite Henriette », Fémina, n° 7, 1972, p. 64-67.
Littérature secondaire
24 photographes suisses au quotidien, Nyon, Editions Focale, 1989.
DESACHY, Eric, MANDERY, Guy et DESACHY, Anatole, La Guilde du livre : les albums photographiques, 1941-1977, Paris, Les Yeux Ouverts, 2012.
DEBRAINE, Luc, « Henriette Grindat, le soleil pour la postérité », Le Temps, 25 mars 2010.
Henriette Grindat : Méditerranées, texte Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, Zurich, Limmat Verlag, 2008.
Henriette Grindat : Méditerranées, texte Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009.
Henriette Grindat, photographe, cat. expo., Lausanne, Bibliothèque cantonale et universitaire, 1972.
Henriette Grindat : rêve et découverte, cat. expo. Musée de l'Elysée, Lausanne/ Schweizerische Stiftung für die Photographie, Zurich, Berne, Benteli Verlag, 1995.
FAVROD, Charles-Henri, « Une écriture de lumière », Le Matin, 21 août 1984, p. 12.
FLUBACHER, Christophe « Henriette Grindat ou la postérité du soleil », L’Hebdo, n°50, 14 décembre 1995, p. 85-86.
LOETSCHER, Hugo, et al. (dir.), Photographie en Suisse de 1840 à aujourd’hui, Teufen, Editions Niggli, 1974.
MERMOUD, Albert, La Guilde du livre, une histoire d’amour, entretiens avec Jacques-Michel Pittier et René Zahnd, Genève, Slatkine, 1987.
PFRUNDER, Peter (dir.), Schweizer Fotobücher 1927 bis heute : eine andere Geschichte der Fotografie / Livres de photographie suisse de 1927 à nos jours : Une autre histoire de la photographie, Winterthur, Fotostiftung Schweiz/Baden, Lars Müller Publishers, 2011.
VALLOTTON, François, Les Editions Rencontre 1950-1971, Lausanne, Editions d’en bas, 2004.
Grindat Henriette, born July 3, 1923 Biel and died February 25, 1986, is a Swiss photographer.
Reaching young polio, she makes her gymnasium from 1941 to 1944 in Lausanne and graduated photographer (Lausanne and Vevey, 1945-1948) in Gertrude Fehr.
In 1948, Henriette Grindat up her personal photography workshop in Lausanne and published her work in several Swiss newspapers and magazines.
Henriette Grindat moved to Paris in 1949, she worked for various newspapers and various publishing houses (Bordas, Arthaud, Threshold).
Striving to perpetuate the magic of Lautréamont, Henriette Grindat exhibited in the French capital where her works appealing, among others, André Breton, Man Ray, René Char and Albert Camus.
The latter two offer her publish a book trio.
Completed in 1952, the offspring of the sun did not appear until 1965, five years after the death of Camus.
Photographing Rolleiflex, Henriette Grindat also developed a more personal work close to the Surrealists and humanist photography.
Henriette Grindat exhibited in Italy (Florence, Milan), United States (Chicago) and several times in Switzerland, especially Lausanne.
She won the Prix federal Applied Arts in 1952, 1953 and 1954.
A few days after the death of her companion, the writer Albert Yersin, Henriette Grindat committed suicide on 25 February 1986.
Her works are the subject of major retrospectives at the Kunsthaus Zurich (1984) and the Museum
of Elysée in Lausanne (1995).
Algérie paraît en 1956 à la Guilde du Livre. Préface et texte sont signés Jean Amrouche, mais d’autres auteurs sont présents par le biais de citations, parmi lesquels André Gide ou Eugène Fromentin, ainsi que deux extraits du Coran. Au départ, Albert Mermoud avait pensé faire appel à Albert Camus1, que connaît bien Henriette Grindat, mais l’écrivain décline par crainte de contrarier son éditeur, Gallimard. Albert Mermoud se tourne donc vers un autre Français d’Algérie, Jean Amrouche, qui accepte, bien que son métier de journaliste soit en cette période très absorbant.
Le texte qu’il rédige rend hommage à un pays dont le destin est alors incertain, deux ans après le début de la guerre. Il est en lien constant avec les photographies d’Henriette Grindat : les mots reflètent ce que les images montrent et parfois les complètent. Tout comme Méditerranée ou Le Nil, Algérie « regroupe un mélange de types d’images : paysages, portraits, scènes de rues, détails, cherchant à montrer un territoire, son histoire et ses habitants de manière descriptive et suggestive »2. C’est là que le texte intervient. Des citations ici et là viennent accentuer tel ou tel élément évoqué par l’image.
Le principal protagoniste du livre est la mer Méditerranée. Pour le compte de la Guilde, Henriette Grindat effectue deux grands voyages dans la région, en Algérie en 1952 et sur les rives du Nil de novembre 1958 à janvier 1959, auxquels s’ajoutent de nombreux autres déplacements tout autour du bassin méditerranéen3. L’eau s’y révèle un motif spécialement riche pour la photographe. Par les reflets du soleil, par les ondulations du vent, la mer et le fleuve s’avèrent de passionnants sujets d’expérimentations artistiques. La Méditerranée devient alors l’un des sujets de prédilection d’Henriette Grindat.
L’album et la guerre
Son ouvrage remporte un vif succès. Parmi les personnalités qui écrivent à l’éditeur pour le féliciter, Jean Daniel, journaliste à L’Express, loue les photographies admirables « d’un pays où je suis né et qui vit aujourd’hui le drame de l’éclatement »4. D’autres voient cependant dans le volume une œuvre de propagande antifrançaise. A cela, Albert Mermoud répond qu’« Algérie n’est ni un guide touristique ni un livre de propagande »5, mais un ouvrage rendant hommage à la beauté d’un pays et de ses habitants. Le livre n’en contient pas moins une dédicace à des victimes de la puissance coloniale, dédicace qui provoque l’inquiétude de Pierre Seghers, chargé de la version commerciale du livre à l’enseigne Clairefontaine, et qui, sur conseil de son avocat, amène Albert Mermoud à la supprimer dans ces exemplaires de librairie en collant sur elle une nouvelle dédicace6.
Deux ans après la publication d’Algérie paraît un second album dédié à la région, Sahara, avec un texte de Charles-Henri Favrod et des photographies d’Yvan Dalain, (fig. 1). Cet ouvrage illustre les diverses transformations engendrées par l’occupation française. Espace hostile, le Sahara héberge malgré tout plusieurs peuples nomades. Anciennement « maîtres du désert »7, ils deviennent alors la main d’œuvre des grandes compagnies pétrolières. Au fil des pages sont présentés les principaux bouleversements causés par leur « reconversion professionnelle ». Texte et photographies exposent, dans une première partie, leur quotidien d’antan, puis leur nouvelle vie. Cette confrontation entre passé et présent permet au lecteur de constater les effets de l’industrialisation. Ainsi, les véhicules remplacent les chameaux au fur et à mesure que les nomades fiers et libres se font happer par les entreprises d’exploitation de l’or noir (fig. 2). Au premier abord, cet ouvrage ne semble pas prendre clairement position en faveur ou en défaveur de la colonisation. Néanmoins, certains indices se glissent au fil des phrases. On parle d’« esclaves » pour évoquer les ouvriers8, et certaines pages paraissent souligner le caractère absurde des situations (fig. 3). Ainsi, sans être explicitement engagé politiquement, Sahara, tout comme Algérie, dresse un constat non dénué d’amertume ou de critique, même dans la célébration de la beauté des lieux.
Sahara, photo Yvan Dalain, texte Charles-Henri Favrod, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, n. p.
Fig. 1, Sahara, n. p.
Sahara, photo Yvan Dalain, texte Charles-Henri Favrod, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, p. 48-49.
Fig. 2, Sahara, p. 48-49.
Sahara, photo Yvan Dalain, texte Charles-Henri Favrod, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, p. 76-77.
Fig. 3, Sahara, p. 76-77.
Culture/Nature
La plupart des albums de la Guilde du Livre ont pour caractéristique de confronter plusieurs images sur la double page. C’est le cas d’Algérie. Ici (fig. 4), le paysage méditerranéen est présenté par un même motif à gauche et à droite, avec de part et d’autre la mer, la roche, le ciel. Si les deux photographies se répondent, elles se différencient aussi, avec d’un côté la nature encore sauvage, de l’autre l’indication de la présence humaine. Henriette Grindat s’intéresse beaucoup à la thématique du temps qui passe. Dans ses livres pour la Guilde, des clichés révélant l’effervescence du présent se trouvent souvent placés face à d’autres témoignant d’un passé plus ancien, mais encore ancré dans la réalité quotidienne. Il est possible d’y entrevoir une certaine nostalgie, celle de la terre encore inexploitée et d’un temps où la mer turquoise n’était pas encore envahie par de grands paquebots industriels. Mais ces deux criques, à la fois semblables et dissemblables, dévoilent deux réalités bien vivantes d’un même pays.
Femmes
S’il est rare qu’Henriette Grindat prenne de véritables portraits, elle ne néglige pas pour autant la présence humaine, fût-elle évoquée par de vagues silhouettes. L’objet principal des albums de la Guilde du Livre est en effet de présenter un pays en en décrivant les paysages, l’architecture, la vie quotidienne, mais aussi les habitants. Henriette Grindat en ponctue son livre. En Algérie, elle paraît captivée par les femmes. C’est l’une d’elles qui orne la couverture, et à l’intérieur, une double page notamment figure un groupe de femmes affairées à leurs courses (fig. 5). Si les scènes de marché sont souvent présentes dans les livres de voyages, ici, ces Algériennes restent mystérieuses et comme inaccessibles. Elles semblent se cacher triplement : par leur voile, par le treillis qui nous sépare d’elles et par leur position de dos. Elles n’en sont pas moins mises en valeur par leur habit blanc ressortant sur l’arrière-plan sombre. Vêtues de façon semblable, elles perdent de leur singularité pour ne former qu’un aplat blanc. L’image invite le lecteur à s’interroger sur le rôle de la femme en Algérie, particulièrement en ce temps de guerre. S’étalant sur deux pages, cette grande photographie rend hommage à celles qui, dans l’ombre, continuent à vivre dans un climat tendu.
— Deborah Strebel
Algérie, photo Henriette Grindat, texte Jean Amrouche, Lausanne, La Guilde du Livre, 1956, p. 54-55. Fig. 4, Algérie, p. 54-55.
Algérie, photo Henriette Grindat, texte Jean Amrouche, Lausanne, La Guilde du Livre, 1956, p. 74-75. Fig. 5, Algérie, p. 74-75.
Notes
1. Albert Camus a fait la connaissance d’Henriette Grindat en 1950 chez le poète René Char, à L’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse. Il a par la suite participé, aux côtés de la photographe, à l’élaboration de l’ouvrage La Postérité du soleil, paru en 1965 chez l’éditeur genevois Edwin Engelberts. Il s’agit d’un livre illustré d’une série de trente photographies de Grindat.
2. Sylvie Henguely, « “…un objectif en flagrant délit de poésie” : Henriette Grindat, photographe des années 1950 », in Henriette Grindat : Méditerranées, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009, p. 7.
3. Ibid., p. 9, note 36.
4. Lettre de Jean Daniel à Albert Mermoud, 26 octobre 1956, dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
5. Lettre d’Albert Mermoud à M. Ertaud, 3 septembre 1956, dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
6. Voir correspondance de Pierre Seghers et Albert Mermoud, 23 et 29 août 1956, et lettre d’Albert Mermoud à Jean Amrouche, 15 octobre 1956, dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits. Sur la question, voir également Charles-Henri Favrod, « Les albums photographiques de la Guilde du Livre », in Henriette Grindat : Méditerranées, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009, p. 14.
7. Charles-Henri Favrod, Sahara, photo Yvan Dalain, Lausanne, La Guilde du Livre, 1958, p. 25.
8. Ibid., p. 35.
Bibliographie
Archives
Dossier « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
Sources
AMROUCHE, Jean et GRINDAT, Henriette, Algérie, Lausanne, La Guilde du Livre, (impression Héliographia, Lausanne, reliure Mayer & Soutter, Lausanne), 1956.
Littérature secondaire
DESACHY, Eric, MANDERY, Guy et DESACHY, Anatole, La Guilde du livre : les albums photographiques, 1941-1977, Paris, Les Yeux Ouverts, 2012.
Henriette Grindat : Méditerranées, textes de Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, Zurich, Limmat Verlag, 2008.
Henriette Grindat : Méditerranées, textes de Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009.
Henriette Grindat, photographe, cat. expo., Lausanne, Bibliothèque cantonale et universitaire, 1972.
Henriette Grindat : rêve et découverte, cat. expo. Musée de l'Elysée, Lausanne/ Schweizerische Stiftung für die Photographie, Zurich, Berne, Benteli Verlag, 1995.
MERMOUD, Albert, La Guilde du livre, une histoire d’amour, entretiens avec Jacques-Michel Pittier et René Zahnd, Genève, Slatkine, 1987.
PFRUNDER, Peter (dir.), Schweizer Fotobücher 1927 bis heute : eine andere Geschichte der Fotografie / Livres de photographie suisse de 1927 à nos jours : Une autre histoire de la photographie, Winterthur, Fotostiftung Schweiz/Baden, Lars Müller Publishers, 2011.
Archives RTS
Madame TV, émission télévisée, mars 1966, journaliste Yette Perrin, réalisation Christian Mottier. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Portraits d’artistes, émission radiophonique, octobre 1983, interview d’Henriette Grindat par Alphonse Layaz. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Les albums d’Henriette Grindat à la Guilde du Livre
Dans le cadre d’une exposition sur le livre de photographie à Lausanne, il est légitime d’offrir une place particulière à Henriette Grindat : figure emblématique de l’édition photographique suisse d’après-guerre, elle a participé à la réalisation de dix-huit ouvrages, dont quatre aux Editions Rencontre (☞ Les Editions Rencontre) et quatre à la Guilde du Livre, à savoir Lausanne (1952), Algérie (1956), Méditerranée (1957) et Le Nil (1960). Aux côtés d’Izis et Ylla, elle fait partie des rares photographes ayant collaboré à plus de trois reprises avec la Guilde. De plus, son nom apparaît en général sur la couverture des livres, parfois même avant celui de l’écrivain, valorisant ainsi son travail et soulignant son statut d’auteur à l’égal des producteurs des textes.
Entre surréalisme et voyage
Née à Bienne en 1923, Henriette Grindat s’établit ensuite à Lausanne. Atteinte de poliomyélite, elle est orientée par ses parents vers un métier estimé peu physique : ils pensent à la photographie et inscrivent leur fille dans une école spécialisée, imaginant que par la suite, elle ouvrira un magasin. Henriette Grindat entreprend sa formation en 1943 à Lausanne sous la direction de Gertrude Fehr et la termine en 1946 à Vevey. Fehr exerce une grande influence sur la jeune photographe. Avant d’ouvrir l’école privée qui formera, entre autres, Bruno Barbey, Jean-Loup Sieff ou Luc Chessex (☞ Luc Chessex), elle s’est installée à Paris en 1933. Elle y a côtoyé des photographes proches du surréalisme comme Man Ray, et pratique tout comme eux le photogramme, le photomontage, la surimpression, techniques que Grindat va elle aussi expérimenter à ses débuts.
En 1948, Grindat part à son tour s’installer à Paris. Elle y fait la connaissance d’André Breton, Michel Butor ou encore Alain Resnais. Elle se passionnera dès lors non seulement pour les arts, mais aussi pour la littérature et la poésie, et cela sa vie durant. L’événement majeur de sa période parisienne est une exposition à la galerie La Hune en janvier 1949. Elle y présente des œuvres qui ne sont pas sans rappeler le surréalisme. Bien accueillie par la critique, l’exposition marque le véritable début de sa carrière. Six mois plus tard, le magazine lucernois Camerapublie un portfolio composé uniquement de ses photographies.
A partir des années cinquante, la galerie et le livre vont devenir les terrains de prédilection de Grindat. La presse commence à s’intéresser à la jeune photographe en publiant divers comptes rendus de ses expositions et des ouvrages pour lesquels elle fournit des photographies. Au fil des ans, Grindat s’empare elle aussi de la plume pour rédiger des reportages sur les milieux artistiques romands ou des chroniques de voyages. Car Henriette Grindat va partir à la découverte de nombreux pays. En 1952, elle obtient une bourse fédérale et commence alors à voyager. D’abord en Algérie, en compagnie de Lélo Fiaux, puis à Venise, en Espagne ; en 1957, elle découvre le Proche-Orient ; en 1958, elle part en Afrique, remonte le Nil, passe par le Kenya, l’Ethiopie et la Somalie. Ces multiples excursions sont pour elle autant de nouvelles sources d’inspiration : l’aspect documentaire de ses clichés s’efface peu à peu pour laisser apparaître un certain lyrisme. Les personnages se font rares, parfois seulement signalés par une ombre ou une vague silhouette au loin. Celle que d’aucuns surnommeront « la rêveuse de matière »1 explore les matériaux et les reflets. Elle cherche à faire ressortir les différentes textures, autrement dit la tangibilité de ses sujets, tout autant que les atmosphères mystérieuses.
La collaboration avec la Guilde
Durant cette époque faste des beaux-livres illustrés, richement imprimés en héliogravure (☞ Imprimeries lausannoises), Henriette Grindat se spécialise dans le reportage de voyage : elle ne photographie plus, en studio, des objets hétéroclites issus de brocantes, mis en scène dans des clairs-obscurs mystérieux, mais se tourne vers l’extérieur, poursuivant son travail poétique en plein air, dans la contemplation de la nature. Elle commence à travailler pour la Guilde du Livre en 1952, pour l’ouvrage Lausanne (☞ Lausanne), avant deux autres collaborations avec l’éditeur, suivies de l’album Adriatique (1959) aux Editions Mermod. Cette collaboration avec Françoise Mermod résulte sans doute des différends nés entre la photographe et Albert Mermoud, patron de la Guilde. Pour Méditerranée (☞ Méditerranée), celui-ci a en effet estimé les clichés de Grindat insuffisants et fait appel à d’autres photographes pour les compléter. Henriette Grindat n’a pas apprécié. Elle s’est également plainte d’honoraires jugés insignifiants en regard du coût onéreux de son voyage2. Malgré cette querelle, une quatrième collaboration verra le jour en 1960 pour Le Nil (☞ Le Nil).
C’est qu’Albert Mermoud apprécie le travail d’Henriette Grindat et sait lui faire confiance. Dans tous les projets qu’elle réalise avec lui, la production des photographies précède celle des textes, ce qui laisse Grindat libre de photographier les sujets qui lui plaisent, à l’exception de Lausanne où là, la municipalité impose certains thèmes, tels que la Fête du bois ou le Comptoir. Le choix final des photographies reste néanmoins la prérogative de l’éditeur, ce qui n’est pas le cas pour ses propres expositions, où elle privilégie les clichés les plus subjectifs3.
A la fin des années cinquante, Grindat se concentre de plus en plus sur le photojournalisme. Si elle publie régulièrement dans la presse, elle travaille également pour l’Atlas des Voyages des Editions Rencontre (☞ L’Atlas des Voyages). Elle y participe à l’élaboration de quatre ouvrages : Andalousie (1962), Egypte (1964), Autriche (1966 – ici, le texte de Philippe Jaccottet est déjà écrit quand elle réalise son reportage) et Tchécoslovaquie (1968). Photographe rêveuse et vagabonde, Henriette Grindat a ainsi fourni à de nombreux livres illustrés lausannois des images à la dimension souvent intemporelle et énigmatique, et toujours poétique.
— Deborah Strebel
Notes
1. Christophe Flubacher, « Henriette Grindat ou la postérité du soleil », L’Hebdo, n° 50, 14 décembre 1995, p. 85. Voir aussi Charles-Henri Favrod, « Les albums photographiques de la Guilde du Livre », in Henriette Grindat : Méditerranées, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009, p. 14, qui fait référence à l’ouvrage A la rêveuse matière qu’elle réalise avec Francis Ponge et Albert Yersin en 1963.
2. Sur ce différend, voir Charles-Henri Favrod, op. cit., p. 14, et Sylvie Henguely, « Méditerranée », in Peter Pfrunder (dir.), Schweizer Fotobücher 1927 bis heute : eine andere Geschichte der Fotografie / Livres de photographie suisse de 1927 à nos jours : Une autre histoire de la photographie, Winterthur, Fotostiftung Schweiz/Baden, Lars Müller Publishers, 2011, p. 602.
3. Voir Sylvie Henguely, « “…un objectif en flagrant délit de poésie” : Henriette Grindat, photographe des années 1950 », in Henriette Grindat : Méditerranées, op. cit., p. 7.
Bibliographie
Archives
Dossiers « Lausanne » (IS 4359, carton F 178), « Algérie » (IS 4359, carton 24 F 258), « Méditerranée », 1957 (IS 4359, carton 26 F 289), « Le Nil » (IS 4359, carton 30 F 356), Fonds de la Guilde du Livre, BCUL, Département des manuscrits.
Archives RTS
Madame TV, émission télévisée, mars 1966, journaliste Yette Perrin, réalisation Christian Mottier. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Portraits d’artistes, émission radiophonique, octobre 1983, interview d’Henriette Grindat par Alphonse Layaz. En ligne, consulté le 1er mai 2013.
Sources (livres)
Lausanne, photos d’Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1952.
Métal pour musique, photos d’Henriette Grindat, Rolle, Editions du Verbe, 1952.
Dictionnaire pittoresque de la France, photos d’Henriette Grindat, Paris, Editions Arthaud, 1955.
Le Livre des arbres, photo Henriette Grindat, Paris, Arts et Métiers graphiques, 1956.
AMROUCHE, Jean, Algérie, photo Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1956.
CRANAKI, Mimica, Méditerranée, photo Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1957.
CHESSEX, Jacques, Adriatique, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Françoise Mermod, 1959.
FAVROD, Charles-Henri, Le Nil, photo Henriette Grindat, Lausanne, La Guilde du Livre, 1960.
LE RICOLAIS, Robert, Matière, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Chabloz, 1960.
VIO, Martin, Flâneries autour de Lausanne, photo Henriette Grindat, Neuchâtel, Editions du Griffon, 1960.
CLAVIEN, Germain, Andalousie, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1962.
PONGE, Francis, A la rêveuse matière, photo Henriette Grindat, gravures d’Albert Yersin, Lausanne, Editions du Verseau, 1963.
MORINEAU, Raymond, Egypte, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1964.
CAMUS, Albert et CHAR, René, La Postérité du Soleil, photo Henriette Grindat, Genève, Edwin Engelberts, 1965.
DESCARGUES, Pierre, Rembrandt et Saskia à Amsterdam, photo Henriette Grindat, Lausanne, Payot, 1965.
JACCOTTET, Philippe, Autriche, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1966.
BAUCHAU, Henry, La Dogana, photo Henriette Grindat, Albeuve, Editions Paul Castella, 1967.
GRANDMONT, Dominique, Tchécoslovaquie, photo Henriette Grindat, Lausanne, Editions Rencontre, coll. L’Atlas des Voyages, 1968.
BORNE, Alain, Le Facteur Cheval, photo Henriette Grindat, Paris, Morel, 1969.
CHAPPUIS, Pierre, Ligne mouvante, photo Henriette Grindat, Lutry, Editions d’Orzens, 1983.
Sources (articles)
Z'GRAGGEN, Yvette, « Connaissons mieux les artistes romandes : Henriette Grindat », Journal de Genève, 15 mai 1957, p. 8.
KUENZI, André, « Quand une photographe chasse le Nilotique », Gazette de Lausanne, 23 mai 1959, p. 9.
MAD., C., « Henriette Gindat, photographe, revient des sources du Nil », Feuille d’Avis de Lausanne, 23 mai 1959, p. 21.
RICHOZ, Claude, « L’instantané et le durable », Coopération, n°37, 12 septembre 1959.
CHAR, René, « La Postérité du Soleil », Gazette de Lausanne, 4 décembre 1965, p. 19.
CHEVALLAZ, Madeline, « D’abord Grindat, ensuite Henriette », Fémina, n° 7, 1972, p. 64-67.
Littérature secondaire
24 photographes suisses au quotidien, Nyon, Editions Focale, 1989.
DESACHY, Eric, MANDERY, Guy et DESACHY, Anatole, La Guilde du livre : les albums photographiques, 1941-1977, Paris, Les Yeux Ouverts, 2012.
DEBRAINE, Luc, « Henriette Grindat, le soleil pour la postérité », Le Temps, 25 mars 2010.
Henriette Grindat : Méditerranées, texte Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, Zurich, Limmat Verlag, 2008.
Henriette Grindat : Méditerranées, texte Sylvie Henguely et Charles-Henri Favrod, cat. expo., Lausanne, Musée historique de Lausanne, 2009.
Henriette Grindat, photographe, cat. expo., Lausanne, Bibliothèque cantonale et universitaire, 1972.
Henriette Grindat : rêve et découverte, cat. expo. Musée de l'Elysée, Lausanne/ Schweizerische Stiftung für die Photographie, Zurich, Berne, Benteli Verlag, 1995.
FAVROD, Charles-Henri, « Une écriture de lumière », Le Matin, 21 août 1984, p. 12.
FLUBACHER, Christophe « Henriette Grindat ou la postérité du soleil », L’Hebdo, n°50, 14 décembre 1995, p. 85-86.
LOETSCHER, Hugo, et al. (dir.), Photographie en Suisse de 1840 à aujourd’hui, Teufen, Editions Niggli, 1974.
MERMOUD, Albert, La Guilde du livre, une histoire d’amour, entretiens avec Jacques-Michel Pittier et René Zahnd, Genève, Slatkine, 1987.
PFRUNDER, Peter (dir.), Schweizer Fotobücher 1927 bis heute : eine andere Geschichte der Fotografie / Livres de photographie suisse de 1927 à nos jours : Une autre histoire de la photographie, Winterthur, Fotostiftung Schweiz/Baden, Lars Müller Publishers, 2011.
VALLOTTON, François, Les Editions Rencontre 1950-1971, Lausanne, Editions d’en bas, 2004.